Interview de Jean-Christophe Péraud (Orbea)
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Jean-Christophe, un mois et demi après ta conquête de la médaille d'argent à Pékin, qu'est-ce qui a changé dans ta vie ?
"Rien n'a changé. J'ai eu des sollicitations au niveau de la ville, du département et de la région mais rien d'autre. C'est une médaille qui a été beaucoup fêtée mais vraiment rien d'exceptionnel."
As-tu l'impression que ta performance, dans l'ombre de Julien Absalon, a été quelque peu minimisée ?
"Certainement. Je ne suis pas le médaillé d'or double champion olympique, mais c'est vrai qu'une fois encore je suis dans l'ombre de Julien."
Une fois encore ?
"C'est vrai qu'en France, il y a Julien Absalon qui tient le haut de l'affiche, Cédric Ravanel et moi sommes des seconds couteaux. Il y a Julien et les autres."
As-tu suivi une préparation spécifique pour ces JO ?
"Bien sûr. Il y a eu une planification à la saison. J'avais des pics de forme prévus pour les premières manches de Coupe du Monde, et ça a été le cas. Ensuite pour le Championnat du Monde, où là ça a été moins le cas puisque je suis passé à travers, mais la forme était là puisque je suis champion de France sur route le week-end suivant. Enfin une préparation pour les Jeux Olympiques, qui était l'objectif de la saison, où j'avais à cœur de faire quelque chose."
Aux Jeux, tu paraissais super affûté, dirais-tu que tu étais dans la forme de ta vie ?
"C'est clair que j'ai fait le métier à 100 % et c'est vrai que côté affûtage, j'ai mangé beaucoup de salades. Pour la petite histoire, quand j'étais sur la table de massage, les kinés venaient me voir parce que l'on voyait le reflux sanguin dans mes veines. Ce sont des choses qu'ils n'avaient pas l'habitude de voir... J'étais leur cobaye !"
Côté matériel, Orbea t'avait-il fait un montage spécifique pour l'occasion ?
"Oui, nous avions des VTT prototypes avec des cadres qui faisaient un peu moins d'un kilo, une câblerie Alligator I-link, des serrages de roue et un collier de selle allégés, et une fourche Rock Shox avec un Té en carbone pour avoir à l'arrivée un VTT à 8,7 kg."
Dans les jours précédant l'épreuve, vous êtes vous entraînés ensemble ou séparément avec Julien Absalon et Cédric Ravanel ?
"Pour ma part, je me suis entraîné séparément."
Pourquoi ?
"Le VTT est un sport individuel, il faut écouter son corps et nous ne sommes pas tous au même niveau. La preuve, il y a un premier, un second et un quatorzième. Il vaut mieux s'atteler à sa préparation physique plutôt que d'aller rouler avec Julien, au risque de se cramer un petit peu. Ce n'est pas une histoire d'ambiance mais juste de préparation."
Avant l'épreuve, aviez-vous mis une stratégie en place ?
"Non, pas du tout. Nous sommes partis et la stratégie s'est dictée d'elle-même. Quand je suis revenu sur Nino Schurter et que Julien Absalon est parti, je ne l'ai pas pris en chasse et je me suis calé dans la roue du Suisse."
A quoi pensais-tu cinq minutes avant le départ ?
"A la course. A la course tout simplement et surtout à prendre un bon départ. J'ai eu des problèmes cette année sur mes départs, notamment pour accrocher mes pédales, donc je ne pensais qu'à ça."
Entre les armadas suisse et espagnole, pensais-tu pouvoir obtenir une médaille ?
"Je me donnais 30 % de chance d'en avoir une. Aux journalistes, j'avais dit 10 pour qu'ils ne me mettent pas trop la pression. Mais je savais que j'avais une chance. J'ai été champion d'Europe, j'avais fait des podiums en Coupe du Monde, et c'est pour ça que je me suis entraîné dur et que j'ai joué ma chance à fond."
Souvent, tu fais preuve de beaucoup de modestie, est-ce un manque de confiance en toi ou une manière de détourner l'attention ?
"Etre celui que l'on n'attend pas, c'est mieux, cela permet d'être à l'abri de la pression extérieure. C'est vrai que, sans faire de complexes, je ne crois pas en moi à la hauteur où je devrais. Mais d'un autre côté, lorsque je suis sur le vélo, je joue ma chance crânement et je n'ai plus aucun complexe à partir du moment où je pédale."
Jean-Christophe, comment as-tu géré ta course aux Jeux Olympiques ?
"En trois temps. Il y a d'abord eu le premier tour et demi où j'ai essayé de remonter. Il y avait de nombreux single-tracks et c'était difficile de doubler, surtout sans faire trop d'à-coups afin de m'économiser au maximum. Puis il y a eu l'attaque de Julien Absalon. J'ai essayé de remonter rapidement sur la tête pour être dans le bon groupe. Enfin lorsque Julien a eu 50 secondes d'avance, j'ai joué ma chance en plaçant à mon tour une attaque."
Est-ce qu'à un moment tu as pensé pouvoir revenir sur Absalon ?
"Non, car en jouant la course d'équipe et en lui laissant 55
secondes d'avance, je savais qu'il était impossible de revenir sur Julien, j'ai donc préféré jouer la deuxième place."
Au vu de tes temps au tour, as-tu des regrets d'avoir joué la course d'équipe ?
"Non, aucun, parce qu'autant d'un point de vue niveau j'aurais pu certainement rivaliser, mais si je m'étais retrouvé avec Julien devant, nous nous serions attaqués mutuellement et au lieu de faire un et deux, nous aurions peut-être fait quatre et cinq. Donc aucun regret, mon objectif c'était une médaille et l'objectif est rempli."
Que se passait-il dans ta tête lorsque que tu as franchi la ligne d'arrivée ?
"Une sensation d'apaisement, de devoir accompli, du soulagement et beaucoup de joie.
Je n'ai pensé à personne, c'était très personnel. Je fais du vélo pour moi avant tout, je me fixe des objectifs et c'est une quête personnelle."
Tu avais le potentiel pour le faire et tu l'as fait aux JO, comment l'expliques-tu ?
"Beaucoup d'envies. J'étais motivé comme jamais. Souvent, sur les courses, je me dis qu'il faut faire pour le mieux sans jamais me fixer réellement d'objectif, mais là c'était un objectif clairement défini, ça c'est un premier point. Du travail, de la motivation et une concentration terrible. J'étais concentré pendant la course comme rarement je l'ai été. Nous avions fait un travail avec le préparateur mental de l'équipe le jeudi, qui était mon jour de repos. Le vendredi, j'ai fait une dernière reconnaissance en travaillant sur tout ce que nous avions fait et du coup durant la course j'étais d'une concentration extrême."
Au fond de toi, le véritable exploit, est-ce l'or attendu de Julien Absalon ou l'argent inattendu de Jean-Christophe Péraud ?
"Le doublé. Il fallait le faire dans les deux cas."
Comment vois-tu ton avenir sur quatre ans ?
"Quatre ans, c'est long. Je vise deux ans voire deux plus deux. Je pense pouvoir être encore au top pendant deux ans et si je suis toujours performant, je repartirai pour une olympiade. Si je vais à Londres, ce sera pour faire une médaille et non pas pour juste participer. Ce serait dommage d'aller aux Jeux sans objectifs sportifs. Dans ce cas, mieux vaut laisser la place aux jeunes. J'ai envie d'y aller mais pour refaire pareil."
Si tu avais une proposition pour intégrer une équipe pro sur route ou devenir leader d'une structure VTT bâtie autour de toi, que choisirais-tu ?
"Les deux... Sportivement, j'aurais aimé tenter une aventure sur la route pour pouvoir juger du niveau des pros de la route à ceux du VTT. Mais voilà, j'aime le VTT, et j'ai envie de continuer dans le VTT. Penser à une seule course de VTT dans l'année, ce serait quelque chose qui me dérangerait."
En toute logique, tu vas t'éloigner d'Orbea. Vers quelle destination ?
"Actuellement, je n'ai aucune destination potentielle et au jour d'aujourd'hui je suis à pied. Mes désirs sont relativement élevés et du coup des équipes comme Cannondale ou Trek n'étaient pas susceptibles de me fournir ce que je voulais."
Tu n'as vraiment rien, même pas de pistes ?
"Si, j'ai deux ou trois pistes mais pour l'instant il n'y a rien de fait, rien n'est signé, donc pas de commentaire."
Où en es-tu professionnellement avec Areva et comment vois-tu l'année 2009 ?
"Avec Areva, nous sommes en discussion afin de me retrouver un poste aménagé... à condition que je retrouve un vélo. Mais je compte toujours rester 50 % VTT et 50 % vie professionnelle."
Comment vas-tu aborder le Roc d'Azur ?
"En vacances ! Je vais aller au contact des gens et répondre aux sollicitations mais aucunement d'une manière sportive."
C bon president on se met sur les rang pour le recruter.
Areva sont aussi à Villeurbanne, on lui trouvera bien un velo, j'ai mon vieux commençal.... ça devrait lui aller :humour: